L’Amérique latine invente le logement social «anti-subprime»
Alors que l'immobilier aux Etats-Unis est en pleine déconfiture, des projets alternatifs de logements populaires s'imposent à l'extrême sud du continent. De Buenos Aires à São Paulo, des coopératives d'habitants s'organisent pour atténuer les ravages de la crise du logement.
Article par Ludovic Lamant, 21 Août 2009
Et l'ancienne fabrique de peinture du quartier populaire de Parque Patricio, à Buenos Aires, se transforma en un complexe ultra-moderne de 326 logements sociaux. Une rénovation comme tant d'autres dans une mégalopole minée par les problèmes de logement et d'exclusion? Absolument pas. Achevé à la fin de l'année 2006, l'édifice «Monteagudo», du nom de l'une des rues qui longent l'édifice, a été construit par un peu plus de 300 membres de l'un des mouvements de chômeurs les plus connus d'Argentine, le Movimiento territorial de liberacion (MTL ). Et les familles qui l'habitent aujourd'hui, adhèrent elles aussi à ce collectif de piqueteros à la pointe de la contestation politique au pays des Kirchner. Du logement social donc, construit par des sans-emploi, et pour des sans-emploi. De l'«auto-construction» dernier cri.
Le projet s'est enclenché dès 2000 grâce à l'adoption d'une loi municipale autorisant l'Institut du logement de Buenos Aires à accorder des taux très bas (entre 0 et 4%) à des coopératives autogérées. Le MTL s'est engouffré dans la brèche et a mis sur pied sa propre coopérative, «Emetele» [les trois initiales du collectif, en espagnol ], pour obtenir ce type de prêt. Le mouvement a ensuite acheté le terrain (300.000 euros), travaillé avec un cabinet d'architectes qui a accepté de baisser ses prix pour l'occasion, et enfin lancé ce gigantesque chantier d'une durée de deux ans et demi.
Un premier noyau de chômeurs et de travailleurs informels a été recruté, tous dotés d'une expérience dans le secteur de la construction. Lesquels se sont mis à former d'autres sans-emploi, inexpérimentés dans le domaine. Un exemple de «stratégie intégrée », selon l'architecte espagnole Irene Fernandez Alvarez, qui a suivi de près l'avancée du chantier: «En formant ses membres, la coopérative a généré des emplois, et leur a permis, par la suite, de financer leur propre habitation .»