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16ème Rapport de la Fondation Abbé Pierre: le livre noir du mal logement en France

3,6 millions de personnes non ou très mal logées, plus de 5 millions en situation de fragilité à court ou moyen terme dans leur logement...

Selon le 16e rapport sur le mal-logement de la Fondation Abbé Pierre la crise économique a plongé des milliers de ménages, jusqu'à présent épargnés, dans des difficultés pour se loger décemment, un problème qui concerne aussi les propriétaires.

"Les plus fragiles sont renvoyés vers des solutions de logement toujours plus indignes et plus fragiles, et ceux sur le fil ont commencé à basculer", résume Christophe Robert, directeur des études de la Fondation. Selon son rapport, fin 2010, plus de 3,6 millions de personnes étaient très mal logées (cabanes, familles nombreuses en chambres d'hôtel...) voire sans abri (33.000) et plus de 5 millions "en situation de réelle fragilité à court ou moyen terme". Pour résoudre le problème, "Il faudrait produire environ 500.000 logements par an pendant plusieurs années", estime-t-il. Mais le nombre de mises en chantier ne cesse de diminuer depuis 2007 (environ 350.000 en 2010 contre 435.000 en 2007). Dans ces conditions la crise s'aggrave, les services d'hébergement d'urgence sont "sous pression", les plus démunis, s'enfoncent un peu plus: ils se réfugient dans des cabanes, des caves, des parkings, alimentant une "zone grise" du logement, ou se rassemblent sur "des territoires d'exclusion", générant une "tiers-mondisation" du parc de logements. Solutions "indolores pour les politiques publiques, ce qui n'incite pas la société civile à se mobiliser", dénonce M. Robert.

Parallèlement, de plus en plus de ménages sur le fil avant la crise basculent à l'occasion d'un licenciement, d'une rupture familiale. Parmi eux, des salariés aux rémunérations "faibles ou même moyennes", des chômeurs, "mais aussi des retraités, des commerçants, des intermittents du spectacle, des auto-entrepreneurs" qui ne peuvent plus répondre à l'explosion des prix de l'immobilier. "C'est le monde des (...) 15 millions de personnes dont les fins de mois se jouent à quelques dizaines d'euros près, selon le Médiateur de la République", précise le rapport. Témoin de la dégradation, l'Union sociale pour l'habitat (USH) estime que "les impayés de plus de trois mois ont augmenté de plus de 13% entre fin 2008 et fin 2009". "Les décisions de justice prononçant l'expulsion n'ont jamais été aussi nombreuses depuis dix ans (106.938 en 2009)", note aussi la Fondation Abbé Pierre.

 

Le piège de l'accès à la propriété

Dans un deuxième volet, elle critique la politique d'une "France de propriétaires" défendue par Nicolas Sarkozy, "une aspiration partagée mais un processus inégalitaire". Les ménages modestes, qui gagnent entre 1,5 et 3 fois le Smic, sont en effet de moins en moins nombreux à devenir propriétaires: "ils représentaient 45% des acquéreurs de résidences principales en 2003, à peine plus de 30% cinq ans plus tard". Accéder à la propriété peut aussi être "un piège", en particulier lorsque l'endettement, "banalisé", devient trop important.

Le mal logement n'est pas l'"apanage des locataires", souligne le rapport: lorsque les ressources viennent à manquer, certains propriétaires ne peuvent plus entretenir leur résidence ou payer les échéances, et peuvent même finir expulsés. Outre la nécessité de "produire massivement sans délai", la Fondation Abbé Pierre plaide pour une "maîtrise des prix" notamment en "encadrant les loyers de relocation", un renforcement de la loi SRU qui impose un quota de 20% de logements sociaux aux communes de plus de 3.500 habitants ou encore un programme quinquennal de résorption des 600.000 logements indignes.

A 16 mois des élections présidentielles, elle veut inciter les futurs candidats à faire du logement "un des trois ou quatre thèmes majeurs de leurs programmes".

 

4 mots d'ordre et vingt chantiers de réflexion pour lutter plus efficacement contre la crise du logement

1. « Produire/capter massivement et sans délais des logements, car chacun doit pouvoir être logé dignement »

La Fondation demande notamment la mise en place d'une véritable « loi foncière », pour localement "mobiliser les terrains constructibles à hauteur des besoins et à des prix compatibles avec les différents types de logements à produire". Autre proposition: "mobiliser au maximum les logements disponibles et les réponses dans le parc existant" en clair réquisitionner les logements et les locaux vides.

2. « Maîtriser les prix et réguler les marchés, car le logement n'est pas un bien comme les autres »

La Fondation demande un contrôle des loyers, une baisse des coûts de la construction des logements et une prévention de la précarité énergétique.

3. « Construire une ville de qualité, équitable et durable : un impératif pour vivre ensemble »

Mixité sociale, meilleure application de la loi SRU et maîtrise de la densité et de l'étalement urbain, avec un effort particulier pour les banlieues et la capitale sont les propositions forces de ce chapitre.

4. « Combattre et prévenir les facteurs d'exclusion et d'inégalités pour en finir avec le mal-logement »

Pour ce faire, la Fondation souhaite une intervention massive "sur tous les habitats dégradés ou en voie de l'être" et "un programme ambitieux de réhabilitation"du parc existant.

Pour la Fondation Abbé Pierre, "ces quatre mots d'ordre sont destinés à inspirer une politique permettant d'agir en profondeur sur les causes de la pénurie et du mal-logement."

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